Le débat sur la régulation des activités commerciales des commissaires aux comptes en France
La législation française interdisant presque totalement aux commissaires aux comptes d’exercer des activités commerciales est actuellement remise en question par l’Avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, cette réglementation semble non conforme au droit de l’Union européenne. Quels sont les enjeux entourant cette problématique et ses implications pour le secteur de l’audit et de la comptabilité en France ?
Le cadre juridique français sous pression
L’affaire opposant Christian Latouche à la formation restreinte de l’ancien H3C a mis en lumière des contradictions potentielles dans la régulation française des commissaires aux comptes. Selon Manuel Campos Sanchez-Bordona, Avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne, l’interdiction quasi-absolue faite aux commissaires aux comptes de s’engager dans des activités commerciales violerait le droit communautaire. La seule exception concerne deux cas spécifiques introduits par la loi Pacte de 2019.
Cet avis non contraignant pointe du doigt la conformité douteuse de cette interdiction avec les directives européennes. En effet, le droit européen n’impose pas une telle restriction drastique. L’Avocat général souligne que cette interdiction française ne trouve pas sa justification dans un impératif d’intérêt général, critère indispensable pour qu’une telle réglementation soit jugée légale.
L’articulation des directives européennes et nationales
Cette affaire repose en grande partie sur l’organisation complexe entre la directive Services et le cadre réglementaire européen sur l’audit légal. La directive 2006/43/CE concernant les audits légaux et le règlement 537/2014 sur l’audit de certaines entités d’intérêt public (EIP) imposent des exigences supplémentaires mais n’interdisent pas globalement aux auditeurs de fournir des services commerciaux. Ces cadres sont conçus pour préserver l’intégrité, l’objectivité et la compétence professionnelle des auditeurs tout en leur permettant de pratiquer des activités secondaires lorsque ces dernières respectent des règles éthiques spécifiques.
Un point clé du désaccord porte sur l’indépendance des commissaires aux comptes. D’après l’Avocat général, il n’existe pas de conflit fondamental entre la directive Services et le cadre européen sur l’audit législatif qui donnerait automatiquement priorité à ce dernier. Par conséquent, toute restriction nationale doit être proportionnée et justifiée de manière solide.
Les implications pour la profession
Si les arguments de l’Avocat général sont suivis, cela pourrait aboutir à une libéralisation significative des pratiques de l’audit en France. Les principaux bénéficiaires seraient les firmes comme Fiducial qui pourraient étendre leurs offres de services au-delà de l’audit, ouvrant ainsi de nouvelles opportunités commerciales. Cela pourrait également influencer les professions connexes telles que la comptabilité et le conseil fiscal.
La portée des changements possibles pousse à réfléchir sur la structure actuelle et future de la profession d’expert-comptable à Paris comme partout ailleurs en France. Une adaptation permettrait aux professionnels des cabinets d’audit de diversifier plus librement leurs activités sans compromettre leur rôle principal, tout en respectant les standards européens en matière de compétence et d’intégrité.
Le débat autour de la législation française concernant les activités commerciales des commissaires aux comptes est essentiel pour l’évolution du secteur. Les conclusions du litige impliquant Christian Latouche pourraient provoquer des réajustements majeurs, offrant ainsi une flexibilité accrue aux acteurs de ce domaine tout en garantissant les valeurs essentielles de la profession. Une décision favorable à cette libéralisation ouvrirait la voie à une plus grande convergence entre la réglementation française et les normes européennes, favorisant ainsi un environnement professionnel plus dynamique et compétitif.